CCAG 2021 : Les évolutions à retenir
À l’aune de la parution des nouveaux Cahiers des Clauses Administratives Générales (CCAG), il apparait nécessaire de procéder à un rappel des principales évolutions qu’ils ont intégrées, afin de pouvoir utiliser ces outils précieux avec efficience et sérénité.
Pour mémoire, le cadre fixé par les CCAG est gage d’exécution efficace du marché public pour l’acheteur, et de prévisibilité pour les titulaires des marchés, sur de nombreux aspects (sanctions, paiement, etc.).
Plus de dix ans après l’entrée en vigueur des arrêtés portant approbation de cinq nouveaux CCAG[1], il est apparu nécessaire de les réviser, afin de tenir compte des évolutions du droit de la commande publique, de rééquilibrer les relations contractuelles entre les parties et, de les moderniser.
En outre, il devenait urgent de dédier un CCAG à la maîtrise d’œuvre, tenant compte des spécificités et de la nature des prestations réalisées.
Ainsi, le 1er avril 2021, les arrêtés portant approbation des six nouveaux CCAG sont parus au Journal Officiel et sont immédiatement entrés en vigueur. Dans un souci de pédagogie, une période transitoire, pendant laquelle les acheteurs peuvent encore faire référence aux anciens CCAG, a été prévue.
Durant cette période, qui s’étend du 1er avril au 31 septembre 2021, en l’absence de précisions quant à la version du CCAG applicable, le marché est réputé faire référence à la version de 2009.
[1] Applicables aux marchés de travaux, de fournitures courantes et de services, de prestations intellectuelles, de technique de l’information et de la communication, et aux marchés industriels
Les nouveautés communes à tous les CCAG
Références et dérogation au CCAG
Si le principe de l’interdiction de faire référence à plusieurs CCAG a bien été maintenu, une exception a été introduite par le pouvoir réglementaire pour les marchés globaux qui comprennent, notamment, les marchés de conception-réalisation. Ainsi, ces marchés pourront viser plusieurs CCAG. Il conviendra toutefois d’établir, à tout le moins, des tables de correspondances claires, permettant au titulaire du marché d’identifier les dispositions applicables.
Il convient de rappeler que les parties peuvent décider de déroger à certaines clauses d’un CCAG. Dans ce cas, le marché doit comporter l’indication des articles du CCAG auxquels il déroge (art. R2112-3 du Code de la commande publique). L’ensemble des dérogations doivent faire l’objet d’un récapitulatif en dernier article du document particulier du marché et, doivent être justifiées par les spécificités du marché. A défaut, l’équilibre, le bon déroulement et l’accès au marché des PME seront compromis.
Ordres de services et bons de commande
Nouveauté majeure liée à la dématérialisation des échanges, les CCAG n’imposent plus la signature des ordres de services et des bons de commande.
Par ailleurs, les ordres de service, qui ne pouvaient qu’être émis par la maîtrise d’œuvre, peuvent à présent être émis par la maîtrise d’ouvrage.
Les CCAG vont plus loin encore, en exigeant la validation préalable du maître d’ouvrage pour les ordres de services qui entrainent des modifications des conditions d’exécution du marché (durée, délai, montant).
En outre, il est désormais expressément prévu qu’un ordre de service qui prescrit des prestations supplémentaires n’est exécutoire que s’il est valorisé.
Enfin, les observations formulées par le titulaire sur un ordre de service peuvent donner lieu à une suspension du délai d’exécution de l’ordre de service concerné, si elles visent à informer le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre que l’ordre de service présente un risque en termes de sécurité et de santé ou contrevient à une disposition législative ou réglementaire.
Régime des pénalités
Les pénalités de retards sont désormais plafonnées à 10 % du montant du marché, et soumis à un mécanisme contradictoire : lorsque des pénalités sont envisagées, le titulaire se voit demander par écrit, de présenter ses observations.
Groupement d’opérateurs économique
Tout d’abord, on relèvera le changement de terminologie : on ne parle plus de co-traitance mais de groupement d’opérateurs économiques.
Mais surtout, les nouvelles dispositions des CCAG entrainent des changements importants, sur le fond.
Ainsi, auparavant lorsque le mandataire était défaillant et que le groupement ne désignait pas un nouveau mandataire, le nouveau mandataire était le membre du groupement inscrit en deuxième position sur l’acte d’engagement.
Ce processus échappait souvent au bon sens, en pratique, puisqu’il était fréquent que le nouveau mandataire ait d’ores et déjà accompli l’ensemble des travaux qui lui incombait au titre de son marché.
Ainsi, dans un souci de logique, les nouveaux CCAG prévoient désormais que le contractant dont la part finale de travaux restant à exécuter est la plus importante devient le nouveau mandataire du groupement.
Protection des données personnelles et protection de l’environnement
Dans un souci de modernisation, différentes problématiques ont été intégrées dans les nouveaux CCAG.
Ainsi, les règles posées par le Règlement général sur la protection des données (RGPD) ont été transposées dans un article dédié des CCAG. Au sens du RGPD, l’acheteur aura la qualité de responsable de traitement et le titulaire du marché, celle de sous-traitant. De ces qualifications découlent de nombreuses obligations (tenue de registres de traitement des données, contrôle de la sécurité des données traitées, etc.)
Là encore, les documents particuliers du marché devront apporter des compléments et, notamment, décrire les sanctions encourues par la partie qui manquerait à ses obligations législatives et réglementaires.
De la même façon, la protection de l’environnement a été intégrée dans les nouveaux CCAG. Celle-ci est désormais associée à la protection de la sécurité et de la santé. Les CCAG prévoient le principe des pénalités en cas de manquement, mais le montant des pénalités doit être fixés par l’acheteur dans les documents particuliers.
Autre nouveauté, en cas de risque hors de proportion avec le montant du marché, le maître d’ouvrage peut prévoir dans les documents particuliers des marchés des stipulations particulières pour un plafonnement éventuel des garanties en fonction de l’objet et des caractéristiques du marché.
COVID
Une clause permettant aux parties de s’entendre sur la suspension de l’exécution du contrat et les conséquences de cette suspension a été intégrée, tirant les conséquences des difficultés rencontrées pendant la crise sanitaire.
Focus sur le nouveau CCAG dédié à la MOE
Les marchés publics de maîtrise d’œuvre présentent de nombreuses spécificités, tenant notamment à leur durée (marchés les plus longs dans le domaine de la construction), à leurs destinataires (groupement juridique) et à leur finalité (qualité de l’ouvrage qui sera réalisé par les entreprises sous le contrôle du maître d’œuvre).
Avant l’entrée en vigueur du nouveau « CCAG MOE », les marchés publics de maîtrise d’œuvre n’étaient pas dépourvus de cadre, puisqu’ils étaient régis, jusqu’alors, par les CCAG applicables aux prestations intellectuelles (CCAG PI). Mais les acheteurs et maîtres d’œuvre attendaient impatiemment l’arrivée d’un outil fonctionnel, tenant compte des différentes spécificités des marchés de maîtrise d’œuvre : le CCAG MOE.
Il convient de retenir que :
- Le marché de maîtrise d’œuvre est à prix révisable ;
- Le marché est conclu à prix provisoire, dans un premier temps. En effet, il est impossible pour le maître d’œuvre de s’engager sur le cout de l’ouvrage avant le stade des études avant-projet (AVP). Dans un second temps, un avenant sera conclu afin d’adapter les honoraires du maître d’œuvre.
- Le mandataire du groupement n’est solidaire que si le marché le prévoit expressément ;
- La procédure d’établissement des soldes du marché prévue en matière travaux est transposée à la maîtrise d’œuvre, prévoyant ainsi l’établissement d’un décompte final, général, puis général définitif.
- Le nouveau CCAG MOE entend manifestement rééquilibrer les relations entre les parties au contrat et privilégier le dialogue :
- Introduction d’une clause de réexamen en cas d’augmentation de la durée du chantier de plus de 10 %. Cette clause était attendue par les maîtres d’œuvre, la jurisprudence de Conseil d’Etat[1] se fondant sur le caractère forfaitaire du marché pour considérer que le maître d’œuvre n’est pas fondé à solliciter une rémunération complémentaire qu’en cas d’évolutions indépendantes de son fait (par exemple, une modification de programme par le maître d’ouvrage).
En pratique, il était difficile pour les maîtres d’œuvre de prétendre à une rémunération complémentaire.
- Plafonnement des pénalités de retard à 10 % du montant du marché. En outre, ces pénalités ne peuvent être infligées au titulaire avant la mise en œuvre d’une procédure contradictoire.
- Le maître d’œuvre peut (doit ?) s’opposer à l’exécution d’un ordre de service présentant un risque pour la sécurité, la santé, ou contraire à la loi ou au règlement. Cette nouvelle clause pourrait être une source conséquente de responsabilité pour les maîtres d’œuvre, à qui on ne manquera pas de reprocher de ne pas avoir user de cette faculté…
- Enfin, il convient d’évoquer une autre spécificité curieuse du CCAG MOE : une prime de performance pour réalisation anticipée, soit de l’ensemble des prestations, soit de certaines parties des prestations. Cette prime, bienvenue dans son principe, ne doit toutefois pas encourager la rapidité et le « low cost », au détriment de la qualité.
S’il demeurera possible de faire référence aux anciens CCAG postérieurement au 30 septembre 2021, à condition que cela soit clairement indiqué dans la consultation et le marché, une telle démarche apparait peu opportune. En effet, les nouveaux CCAG ayant intégré les évolutions juridiques, technologiques et sociétales de ces dix dernières années, ils apparaissent comme les outils les plus indiqués pour sécuriser les relations entre les parties au marché.
[1] Conseil d’Etat, 29 septembre 2010, n° 319481, Société BABEL – Mentionné dans les tables du recueil Lebon